L’excès signifiant et le corps. Un théâtre pour l’oreille
Poésie phonétique, poésie « sonore » (vocale et électronique) ont peut-être surestimé ici les moyens (phonèmes, lettres, voix, micros) techniques permettant de dépasser, de déborder la représentation écrite. Chacun de ces moyens fonctionne comme une prothèse, une greffe censée extirper la poésie des cadres convenus, et valoriser le corps, la voix, le souffle, la scène. Le risque consiste précisément de se retrouver avec des représentations nouvelles (et réductrices) du corps, à désigner le corps parlant-écrivant selon des modalités proprement « organiques ». Or de quel organe inouï peut bien « tomber » l'écrit, quel organe peut-il le recevoir? Naïvement, le poète sonore répond : la voix, la voix parce qu'elle vient du tréfonds du corps, de l'« intérieur ». Mais depuis quand le corps doit-il être confondu avec son dedans, avec une substance, en fait un sac d'organes ? Le corps n'existe que dans son rapport à la langue ; c'est le « parlêtre » lacanien, qui ne concerne aucun organe en particulier, fut-ce celui de la phonation. Suivant ces prémices, comment définir l’oralité ?