La Poésie-action et la Performance

Robert Filliou

Le concept de « performance »

Les concepts de "poésie sonore" et de "poésie orale" mettent respectivement l'accent sur la sonorité et la vocalité, comme séparées ou non du corps, sur un mode plus ou moins contrôlé ou débridé. La « Poésie-action » met l’accent sur ...quoi ? Un tel concept, il est vrai, brille par son imprécision. Pourtant il ne fait qu'accomplir cette tendance, maintes fois repérée dans les parages de la "poésie concrète" au sens large, à la dissolution de tous les éléments poétiques dans une forme de publicité, de condition « ordinaire », courante, des actes de langage.

La Poésie orale et le « problème Robinet »


L’excès signifiant et le corps. Un théâtre pour l’oreille

La poésie phonétique et la poésie « sonore » (vocale et électronique) ont sans doute surestimé l'importance des moyens (phonèmes, lettres, voix, micros) techniques permettant de dépasser, de déborder la représentation écrite. Chacun de ces moyens fonctionne comme une prothèse, une greffe censée extirper la poésie des cadres convenus, et valoriser le corps, la voix, le souffle, la scène. Le risque consiste précisément de se retrouver avec des représentations nouvelles (et réductrices) du corps, à désigner le corps parlant-écrivant selon des modalités proprement « organiques ». Ce qui serait à la fois pure contradiction et anachronisme. Or de quel organe inouï peut bien « tomber » l'écrit, quel organe peut-il le recevoir? Naïvement, le poète sonore répond : la voix, la voix parce qu'elle vient du tréfonds du corps, de l'« intérieur ». Mais depuis quand le corps doit-il être confondu avec son dedans, avec une substance, en fait un sac d'organes ? Le corps n'existe que dans son rapport à la langue ; c'est le « parlêtre » lacanien, qui ne concerne aucun organe en particulier, fut-ce celui de la phonation. Suivant ces prémices, comment définir l’oralité ?

La Poésie sonore et électronique. Quelques aspects

Bernard Heidsieck

L'Ultra-lettrisme

Il manquait à ces premiers expérimentateurs en matière de poésie sonore que furent les dadaïstes et les futuristes, trop confinés dans phonétisme, voire dans le lettrisme, un moyen qui leur permit de donner aux poèmes composés de phonèmes toute leur ampleur. Car ces œuvres pour être entendues devaient être notées (par une écriture évidemment mal adaptée) puis récitées. Ce moyen qui leur manquait était le magnétophone. La fonction de cet instrument apparait clairement dès lors que, avec sa vulgarisation dans les années 50, le poète est confronté directement avec sa propre voix qu'il peut ainsi surveiller, travailler, et thématiser d’autant mieux. Le deuxième avantage concerne la composition des œuvres elles-mêmes, leur élaboration par coupages, montages, effaçages, superpositions, création d'échos, introduction de plans différents, de perspectives, de bruits extralinguistiques, souffles, etc. Donc possibilité de créer un véritable paysage linguistique, de travailler directement sur la bande magnétique comme le peintre sur la toile.